Pionnières et engagées pour accompagner la transformation du numérique, Corinne Fize et Corinne Lossy Dajon, toutes deux DSI de transition, partagent leur analyse du secteur et les évolutions à opérer en matière de technologie, de compétences et de talents à attirer.
Place de l’IA, hybridation des solutions techniques, féminisation des métiers…, Clémence Richard, Head of Information Technology & Transformation donne la parole à deux Corinne passionnées, sans langue de bois.
Pouvez-vous nous présenter rapidement votre parcours ? Pourquoi l’informatique/la filière numérique ?
Corinne Lossy Dajon : Je me suis orientée vers la filière informatique parce qu'à l'époque c'était nouveau ! Curieuse de nature et bonne en maths, je fonce pour découvrir ce secteur.
Un parcours de plus de 30 ans dans l'IT et toujours autant de plaisir : 14 ans dans le monde du service (Atos), 20 ans dans la Banque Assurance et à ce jour manager de transition en accompagnement des transformations. Sans oublier mon engagement pour la mixité dans les filières et métiers du numérique en tant que Présidente de l’Association Femmes@Numérique.
Corinne Fize : J’ai exercé à la sortie de mon école d’ingénieur dans le monde de l’IT. J’ai tout de suite compris que le monde de l’informatique était en permanente évolution. J’ai eu un parcours très varié ; riche et passionnant. J’ai alterné des postes techniques, fonctionnels ou encore très orientés client. J’ai débuté dans le développement, puis j’ai évolué de chef de projet, à Directrice de la production informatique et de l’architecture (CTO), Directrice Générale d’un GIE de production informatique, en passant pas CIO de deux banques de détail différentes. Depuis plus de deux ans, je fais du management de transition et du consulting pour mon plus grand plaisir.
Quels sont les principaux enjeux auxquels vous avez dû faire face en tant que DSI pendant votre carrière ?
Corinne Lossy Dajon : les enjeux sont multiples : technologies, data et IA, cybersécurité, innovation, talents… et, en tant que DSI, nous sommes en 1ère ligne pour garantir le fonctionnement au quotidien. Une sacrée responsabilité donc ! Ma priorité est avant tout de collaborer avec les métiers pour travailler les priorités, partager les besoins en essayant d’être pragmatique et efficace, et surtout proposer les solutions adaptées. Pour cela il faut à la fois avoir le bon positionnement dans l’organisation pour être acteur de la stratégie et, en parallèle, être sur le terrain en proximité avec les utilisateurs pour ne pas se perdre dans des projets qui ne délivrent pas la promesse attendue.
Par ailleurs, il est important d’être proche de ses équipes pour donner du sens à ce que nous faisons et les embarquer dans la conduite du changement : c’est une dynamique vertueuse et une grande source de satisfaction de voir ses équipes grandir et mieux gérer l’incertain et la pression auxquels nous sommes confrontés.
Corinne Fize : L’un des principaux enjeux est de savoir concilier le court, moyen et long terme, tout en disposant des bonnes ressources au bon moment afin de garantir les nécessités de l’entreprise et l’employabilité des collaborateurs.
Notre rôle de DSI est d’être au plus proche des métiers et de satisfaire leurs besoins tout en s’assurant que le SI reste robuste. Il faut savoir résister à la pression des solutions imposées et discerner les véritables virages technologiques des effets de mode, savoir sous-traiter lorsque c’est nécessaire tout en gardant une maîtrise interne. Un job multi-facettes qui concilie la stratégie et l’opérationnel.
Quels constats faites-vous sur la place des femmes dans le numérique et au sein des DSI ?
Celle-ci a-t-elle évolué ces 5 dernières années ?
Corinne Lossy Dajon : La situation est critique et ne s'améliore pas ! On ne peut malheureusement que le constater dans nos organisations ! Il y a urgence à féminiser les métiers du numérique et c’est pourquoi je me suis engagée dans la démarche Femmes@Numérique depuis plusieurs années.
L’objectif premier est de faire du sujet de la mixité dans le numérique, un enjeu majeur avec la volonté d’agir avec tous les acteurs de l’écosystème du numérique. A commencer par les pouvoirs publics sans lesquels ce problème ne peut être ni porté, ni financé, ni résolu. Le secteur qui table sur 230 000 postes à pourvoir en France d’ici 2025 est confronté à une pénurie de talents et à l’absence de femmes. Pourquoi se priver de 50 % de nos talents ?
La féminisation du secteur est une problématique multifactorielle ne pouvant se résoudre que par un collectif d’acteurs, d’où la nécessité de réunir l’ensemble des forces vives engagées dans ce processus.
Il y a beaucoup d’autocensure de la part des jeunes filles qui ne s’estiment pas faites pour ces métiers, et beaucoup de méconnaissance sur ces filières. La seule façon d’y remédier est d’agir très en amont, dès la scolarité, en les informant et en les sensibilisant. Sans la présence de filles dans les formations, pas de candidates potentielles dans les processus de recrutement, ni de carrière dans ce secteur porteur pour les femmes !
Corinne Fize : J’estime qu’elle n’a pas beaucoup évolué ces 5 dernières années … ni même ces 25 dernières années ! La situation me semble-t-il s’est même détériorée, en particulier avec l’explosion des start-up, monde particulièrement masculin.
C’est une grande déception pour moi que les femmes ne se sentent pas à l’aise et/ou ne soient pas assez motivées par des carrières dans les filières scientifiques au sens large, et dans le numérique en particulier. Quand elles y sont, beaucoup y excellent. Et pourtant, c’est une nécessité qu’elles trouvent également la juste place dans cette transformation digitale.
D'après vous, comment peut-on encourager la féminisation du secteur/ de la profession ? et l’envie d’y évoluer ?
Corinne Lossy Dajon : Cela passe par la mobilisation de tous les acteurs dont les pouvoirs publics. Les 1ères Assises de la féminisation des filières et métiers du numérique organisées en février dernier, avec la participation de Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, et Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, marquent un tournant dans la démarche Femmes@Numérique. Et la nomination à la présidence de la fondation d’Elisabeth Moreno, ancienne ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, est une excellente nouvelle ! Nous avons toutes et tous un rôle à jouer pour sensibiliser les jeunes filles et aller chercher les femmes là où elles se trouvent afin de les former au numérique et satisfaire les besoins en compétences à court terme. Encore une fois, il y a urgence !
Corinne Fize : D’après moi, cela commence par former plus de femmes à ces métiers, leur donner l’envie et donc dès le début de la scolarité leur dire et répéter que ces disciplines sont pour elles. Ensuite, il s’agit de s’assurer qu’elles sont traitées avec équité dans leurs études, dans leurs entreprises, de repérer les talents et les accompagner, d’accepter de vrais congés de maternité ou les temps partiels.
Aujourd'hui vous êtes manager de transition sur des missions de DSI, est-ce que cela changé votre approche stratégique et opérationnelle du métier ? Si oui, comment ?
Corinne Lossy Dajon : C’est très enrichissant car en tant que manager de transition, on utilise notre expérience au service d'un dirigeant, d’une organisation, en ayant le recul que ne peut pas avoir le DSI en interne. La pression ne s’exprime pas de la même manière. Il faut tout de suite être opérationnelle et c'est là où notre expertise et notre vécu nous permettent d'agir avec pragmatisme. Je note également qu’il y a une grande écoute de la part du dirigeant que nous accompagnons et c’est très valorisant.
Corinne Fize : Oui tout à fait, cette position de manager de transition me donne à la fois plus de recul et plus liberté d’exprimer mes convictions. Et comme l’indique Corinne Lossy Dajon , j’apprécie d’être de immédiatement opérationnelle et de pouvoir m’appuyer sur mon expérience et ma polyvalence. Un autre aspect qui me séduit particulièrement dans mes missions est l’enjeu autour du capital humain : identifier les talents, valoriser leur potentiel, accompagner leur montée en compétences et transmettre mon vécu opérationnel.
D'après vous, quelles sont les prochaines grandes transformations de la DSI ?
Corinne Lossy Dajon : je suis particulièrement attentive à la problématique des talents : la stratégie de sourcing est une priorité pour recruter les bonnes compétences pour demain. Il faut réfléchir autrement car es profils ne sont plus les mêmes. il est important de trouver un équilibre entre les hard skills et les soft skills. En effet, les équipes doivent être proches des métiers pour les guider, mettre en œuvre les solutions, faire preuve d’autonomie et de prise d’initiative, tout en gardant le contrôle de l'ensemble. Nous devons activer de nouveaux leviers pour attirer et conserver les talents.
Corinne Fize : Ce monde va vers toujours plus de complexité, des cycles d’évolution plus rapides, une forte hybridation des solutions, des technologies…, à mon sens l’enjeu est de rappeler que la simplicité des architectures et des solutions restent la garantie d’un SI robuste, gage d’une haute qualité de service. Le renforcement des compétences dans le domaine de l’architecture, de la conception et de la sécurisation sont primordiales alliées à une bonne capacité à se faire comprendre des non techniciens.
En parallèle, il va falloir intégrer « intelligemment » le recours à l’IA et avoir la capacité de proposer des prescriptions justes.
Clémence Richard
Digital & Technology, Senior Principal - Paris
Clémence démarre sa carrière à des fonctions commerciales en société de conseil IT avant de rejoindre Robert Walters Management de Transition en 2013, dans le but de développer l’offre dédiée aux DSI. Elle conseille aujourd’hui les entreprises dans le remplacement de leurs managers clés et dans leurs programmes de transformation. Passionnée, Clémence est animée par l’objectif de trouver l’accord parfait dans un délai très court : le manager de transition qui saura répondre aux enjeux du client et la mission la mieux adaptée au candidat. Pour elle, la notion de confiance est clé.
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